Qu’est ce que les SMR (small modular réactors)? Cette filière dans laquelle E Macron veut réengager la France.

Bernard Laponche – 6 octobre 2021

1. Les réacteurs des centrales nucléaires en fonctionnement dans le monde sont en majorité à uranium enrichi et eau, soit sous pression (PWR : pressurized water reactor), soit, à un moindre degré, à eau bouillante (BWR : boiling water reactor) de puissance électrique allant de 900 à 1300 MW en général. Il y a eu dans les années 1950 et 60, des réacteurs de puissance plus faible (moins de 300 MW), de techniques parfois très différentes.

2. Ce que l’on appelle aujourd’hui les « petits réacteurs » a une définition assez large en termes de puissance électrique : entre 10 et 300 MW.

On sait donc construire des réacteurs de type PWR par exemple, dans cette gamme de puissance. D’ailleurs, ces petits réacteurs, en général PWR, sont déjà utilisés pour les besoins militaires (moteurs de sous-marins ou de porte-avions) ou pour des brise-glace en Russie, ou même une « barge » équipée d’un petit réacteur en Russie (centrale nucléaire flottante « Akademic » de 35 MW). Toujours dans des situations où le coût ne compte pas (et n’est donné).

Des petits réacteurs de ce type (en général PWR) peuvent être intéressants pour l’alimentation en électricité de sites isolés, loin des réseaux et d’autres sources possibles, par exemple dans le grand nord sibérien pour une exploitation minière (cela remplace les diesels et simplifie la question du transport du carburant). Certains pensent également au chauffage urbain, mais cela implique de construire un réacteur dans ou près d’une ville…

3. Les petits réacteurs, à condition que leur technique soit approuvée en termes de sûreté, présentent un avantage sur ce plan là car, du fait de leur taille, ils peuvent être a priori mieux protégés (fortes enceintes en béton) et la radioactivité émise en cas d’accident est plus faible évidemment que pour un réacteur beaucoup plus puissant. Par contre, par kWh produit, ils sont beaucoup plus chers.

4. Ce qui est nouveau avec le SMR (Small modular reactor) n’est pas tant la taille du réacteur que la notion de « modulaire » basée sur l’idée que la demande d’un SMR d’un type donné serait suffisamment importante pour permettre une fabrication en série, dans une usine particulière, de l’ensemble des pièces du réacteur « standardisé », ce qui permettrait de le « monter » (comme un lego) à peu près partout. A cette condition, il serait possible d’atteidre des coûts acceptables.

Même dans cette hypothèse (les promoteurs des SMR visent évidemment les pays en développement), les problèmes de la qualité de l’exploitation locale, de l’entretien et de la maintenance, du contrôle de la sûreté et la gestion des déchets ne sont évidemment pas réglés.

5. Actuellement, il existe plusieurs dizaines (70 nous dit-on) de projets « papier » de SMR, de puissances diverses et avec des réacteurs complètement différents, certains « classiques », de la filière PWR en général (en France par exemple : Nuward, couple de 2 réacteurs de 170 MW), d’autres de la filière des réacteurs à neutrons rapides « surgénérateurs » au plutonium ou des réacteurs au thorium et sels fondus, etc.

Chaque projet doit donc être examiné sur les plans scientifique, technique, économique.

6. Tous ces réacteurs, basés sur la fission des atomes fissiles (uranium 235, plutonium 239, uranium 233) et la réaction en chaîne, produisent des produits de fission et des actinides mineurs, radioactifs et dangereux sur des périodes très longues. L’essentiel de la radioactivité est portée par les combustibles irradiés mais aussi, dans tous les cas, par les équipements irradiés que ‘on retrouve notamment après le démantèlement des réacteurs (d’ue durée de fonctionnement que l’on peut estimer à 30-40 ans).

La quantité de déchets radioactifs produits dépend évidemment du type de réacteur. Si c’est un PWR, c’est proportionnel à la production par rapport aux réacteurs actuellement en fonctionnement. Si ce sont d’autres types de réacteurs, il faudra pour chacun avoir une évaluation précise se déchets, selon que l’on retraite ou non les combustibles usés, ou bien que le réacteur lui-même en modifie la qualité et la quantité.

7. Du point de vue économique, sans avoir encore un « retour d’expérience », tout le monde s’accorde à dire qu’un SMR produirait une électricité beaucoup plus chère qu’un réacteur actuel de 1000 MW par exemple. Mais les promoteurs des SMR comptent sur « l’effet de série » lié à la possibilité de pré-fabriquer en usine un grand nombre de réacteurs.

On considère que, pour un type donné de SMR, il faudrait des commandes de plusieurs dizaine d’unités (au moins 50) pour que ce soit éventuellement rentable, ce qui paraît très improbable.

Aux Etats-Unis, le projet « Nuscale » (PWR de 60 MW), est le premier à avoir obtenu, fin août 2020, une autorisation de la NRC (autorité de sûreté nucléaire) validant le design de sa technologie (pourtant connue en général). La procédure administrative a duré 4 ans et coûté 500 millions de dollars. L’estimation du coût d’investissement d’un réacteur Nuscale est passée de 1700 $ par kW en 2003 à 4200 $ par kW en 2020.

En Chine, début de construction du réacteur Lingion-1, PWR de 125 MW, qui doit être le premier « nouvel » SMR mis en service au monde.

Mais évidemment, ces premiers réacteurs sont des prototypes et on est loin du « modulaire ».

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