Tchernobyl et la guerre en UKRAINE

RAPPEL: Le 26 avril 1986, plusieurs explosions étaient enregistrées dans le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, située alors dans une Ukraine sous domination soviétique. Un accident dramatique qui a libéré 400 fois plus de rayonnements que la bombe atomique larguée sur Hiroshima. Parmi les premières cibles de l’armée russe dan sa guerre contre l’Ukraine : la centrale nucléaire de Tchernobyl. Celle que tout le monde connait comme le lieu de la pire catastrophe nucléaire de l’histoire. Pourtant, le dernier réacteur de la centrale a été fermé il y a plus de 20 ans maintenant. C’était le 15 décembre 2000, très exactement.

En 1986, le nuage radioactif de triste réputation a été provoqué par le fait que le cœur du réacteur en fusion est resté à l’air libre pendant des jours et des jours. Des particules radioactives ont ainsi pu être envoyées dans la haute atmosphère, sous l’effet de la chaleur. Elles ont ensuite circulé sur une grande partie du globe. Mais une explosion ne provoquerait aujourd’hui pas le même effet. La pollution engendrée resterait locale. © Camp’s, Adobe Stock

En 1986, le nuage radioactif de triste réputation a été provoqué par le fait que le cœur du réacteur en fusion est resté à l’air libre pendant des jours et des jours. Des particules radioactives ont ainsi pu être envoyées dans la haute atmosphère, sous l’effet de la chaleur. Elles ont ensuite circulé sur une grande partie du globe. Mais une explosion ne provoquerait aujourd’hui pas le même effet. La pollution engendrée resterait locale.

Déclaration du Directeur général de l’AIEA sur la situation en Ukraine

L’Ukraine a informé aujourd’hui l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que les centrales nucléaires du pays restaient stables et continuaient de fonctionner normalement, a dit le Directeur général Rafael Mariano Grossi, réaffirmant qu’il était nécessaire d’éviter toute action qui pourrait compromettre la sûreté ou la sécurité de ces centrales.

Dans une nouvelle communication à l’AIEA, le Service national ukrainien d’inspection de la réglementation nucléaire a aussi indiqué que son personnel maintenait un contact régulier avec les centrales. L’Ukraine compte quatre sites électronucléaires, avec un total de 15 réacteurs, qui fournissent environ la moitié de l’électricité du pays.

Le Directeur général M. Grossi a dit qu’il restait vivement préoccupé par la situation en Ukraine et a appelé toutes les parties à s’abstenir de toute mesure ou action qui pourrait mettre en péril la sécurité des matières nucléaires et l’exploitation sûre de toutes les installations nucléaires, un tel incident pouvant avoir de graves conséquences pour la santé humaine et l’environnement.

« La sûreté et la sécurité des sites et matières nucléaires en Ukraine ne peuvent en aucun cas être mises en danger. À ce jour, les centrales fonctionnent normalement et les matières nucléaires qu’elles contiennent restent sous contrôle. Il est de la plus grande importance que les choses restent ainsi et que les employés des centrales puissent continuer d’accomplir leurs tâches essentielles sans être soumis à une pression ou un stress indus », a déclaré le Directeur général M. Grossi.

Précédemment, l’Ukraine a informé l’AIEA que les forces russes avaient pris le contrôle des installations de la centrale nucléaire de Tchornobyl, entreprise spécialisée d’État, située dans la zone d’exclusion établie après l’accident de 1986. L’organisme de réglementation a dit ce matin dans une nouvelle communication que le site continuait de fonctionner normalement. Toutefois, il a aussi indiqué que le personnel en service n’avait pas été relayé depuis le 24 février. Le Directeur général M. Grossi a dit que les opérations des installations nucléaires de la zone ne pouvaient en aucune façon être affectées ni perturbées et que le personnel devait pouvoir travailler et se reposer normalement. Il a demandé aux personnes assurant le contrôle effectif des installations nucléaires d’éviter toute action qui pourrait compromettre la sûreté de ces installations.

Vendredi, l’organisme de réglementation a signalé des niveaux de rayonnements plus élevés sur le site de Tchornobyl, peut-être dus au passage de véhicules militaires lourds remuant des sols contaminés, mais l’AIEA a estimé que les relevés restaient faibles et qu’il n’y avait aucun danger pour le public. Aucune donnée supplémentaire sur les rayonnements dans la zone d’exclusion n’a été reçue.

Près de Kharkiv, dans le nord-est du pays, le Service national ukrainien d’inspection de la réglementation nucléaire a dit qu’un transformateur électrique sur un site de stockage définitif de déchets radioactifs de faible activité avait été endommagé, mais aucun rejet de matières radioactives n’a été signalé. Le Directeur général a indiqué que cela devrait constituer une indication claire, faisant office de mise en garde, de la nécessité impérieuse d’éviter de mettre en danger la sûreté des installations nucléaires. L’Agence internationale de l’énergie atomique confirme suivre la situation de très près. Elle note pourtant que l’attaque russe ne semble avoir occasionné aucun dommage sur l’installation. Laissant penser que le New Safe Confinement, un sarcophage posé sur le réacteur n° 4 il y a quelques années pour sceller les matières radioactives continue — pour l’instant au moins — de jouer son rôle. Idem pour les installations qui stockent les déchets nucléaires.

Les soldats — aussi bien ukrainiens que russes — présents sur le site — et les employés ukrainiens qui y seraient retenus en otages –, en revanche, pourraient se voir surexposés s’ils venaient à demeurer trop longtemps dans des zones de fortes radiations. (voir ci dessous papier de CM vadrot)

En attendant, reste à comprendre la raison pour laquelle les troupes russes ont cherché, dans les toutes premières heures de la guerre. Pour faire peur, certainement. Parce que s’attaquer à une centrale nucléaire, fut-elle à l’arrêt, ça fait toujours peur. Et encore un peu plus, sans doute lorsqu’il s’agit de la déjà tristement célèbre centrale nucléaire de Tchernobyl.Mais aussi, et peut-être même surtout, selon les experts, parce que le site reste stratégique pour le réseau électrique. Il constituerait même un point névralgique du réseau haute tension de l’Europe de l’est. Une porte d’entrée, notamment, vers le réseau biélorusse.

En revanche, l’idée qui a couru que les Russes espèrent ainsi s’emparer du combustible nucléaire usagé stocké sur le site pour fabriquer une bombe dite sale semble plutôt farfelue. D’abord parce que les Russes disposent de tout ce dont ils ont besoin pour concevoir une telle bombe, s’ils le souhaitent. Un stock d’uranium et de plutonium de qualité militaire alors que le combustible issu des réacteurs de Tchernobyl n’est enrichi qu’à quelques petits pour cent et qu’il faut un combustible enrichi à plus de 90 % pour fabriquer une bombe atomique. Sans parler de l’arsenal nucléaire dont la Russie dispose déjà…

Voici ce qu’en dit Yves Lenoir

« Evitons de relayer des bétises. Je viens d’apprendre par un contact relayant une information de première main d’un radiométriste de Belrad qu’il n y a aucune variation de la radioactivité à la frontière de la zone d’exclusion, à Komarin. Cela n’a rien à voir sans doute avec leur entrée sans coup férir sur le site de la centrale. » Tchernobyl pour un stratège qui ne craint rien est une merveilleuse base arrière « bien alimentée en électricité et bien desservie par route et chemin de fer ; bien reliée à tous les réseaux de communication ; un site industriel complet avec ateliers, réservoirs de carburant, outillages lourds divers etc ;- installations de restauration et de réunion ;- quelques logements pour les officiers ;- etc…. Il ne faut pas raisonner en anti-nucléaire des temps ordinaires, mais se placer dans la tête de l’adversaire et penser avec lui les opportunités à exploiter dans la poursuite du but de sa guerre :dégommer Zelinsky et son gouvernement et pour ce faire neutraliser au plus vite l’adversaire. » Plus grave comme le remarque Yves Marignac (negawatt) restent « quinze réacteurs en fonctionnement sur les quatre autres centrales ukrainiennes, dont les six réacteurs de Zaporijia qui sont les plus directement exposés. Une frappe peut à tout moment déclencher un accident d’autant plus difficile à maîtriser que les opérateurs voient leurs capacités diminuer dans le contexte du conflit armé, et d’autant plus catastrophique que la protection des populations serait très difficile à mettre en place. »

Tout cela nous rappelle combien les installations nucléaires ne sont tout simplement pas des équipements conçus pour les zones de guerre

par Claude-Marie Vadrot *

Pour comprendre pourquoi les autorités russes ont fait savoir dès le début de leurs offensives contre l’Ukraine que leurs troupes avaient pris place dans la zone de Tchernobyl, il faut savoir que cette partie nord de l’Ukraine se trouve à quelques kilomètres de la Russie. Et surtout que plusieurs routes et une ligne de chemin de fer relient la ville russe de Slavutich et les deux petites cités ukrainiennes de Pripiat et de Tchernobyl. La première, qui abritait une cinquantaine de milliers d’habitants, a été totalement évacuée deux jours après l’accident nucléaire de 1986, et le reste ; l’autre, où se trouve la centrale accidentée recouverte en partie d’un sarcophage limitant les fuites radioactives sans toutes les empêcher. Cet espace toujours pollué comme plusieurs milliers de kilomètres carrés alentour accueille par roulement de deux semaines, plusieurs centaines de cadres, de techniciens et d’ouvriers qui travaillent sur ce qui reste de la centrale ou fonctionne encore. En dépit des assurances des autorités, que ce soit parmi les Russes ou parmi les Ukrainiens, les cancers sont plus nombreux que dans la moyenne de la population de l’Ukraine. Du côté de la Russie et des salariés venant travailler en train ou en autobus dans la région de Tchernobyl, il n’existe aucune information officielle.

Pourtant, la zone irradiée, à l’ouest, reste interdite et dans les hôpitaux de Kiev, on soigne toujours des affections, pas seulement cancéreuses, qui sont attribués à l’imprégnation radioactive qui affecte certains aliments, notamment les champignons. Ce qui n’empêche pas les salaries ukrainiens venant travailler dans la zone polluée de consommer en haussant les épaules les ceps et les bolets poussant en abondance dans les forêts qui entourant les villages de la zone. Et dans la plupart des isbas de la région, il est possible d’en voir sur les étagères des maisons dispersés dans la zone polluée, aussi bien en Ukraine qu’en Russie, et dans la Biélorussie toute proche.

D’après des informations communiquées par mes contacts sur place, les cohortes de militaires russes qui ont envahi la zone de Tchernobyl et se sont même installées dans la ville interdite de Pripiat n’ont pas été informés des dangers de radioactivité imprégnant les zones qu’ils traversent et dans laquelle certains bivouaquent depuis plusieurs jours. Ils paraissent séjourner dans les zones les plus radioactives sans prendre les moindres précautions et sans avoir le moindre instrument de mesure. Ils sont tout simplement « sacrifiés » par le pouvoir russe. Mais au-delà de ce risque, il y a aussi les dangers que ces militaires russes et leurs responsables font courir à des millions d’Européens en remettant en cause les équilibres technologiques et la fragilité d’une région sensible dont les autorités russes ne peuvent ou ne veulent tenir compte en installant leurs troupes et leur blindés qui tirent sans discernement. Au risque d’être la cause d’une catastrophe dépassant les conséquences d’une guerre classique comme celle qui se déroule depuis quelques jours autour de Kiev qui est d’ailleurs toute proche du périmètre sensible de Tchernobyl.

Lire aussi le communiqué de l’association ROBIN DES BOIS:

La Russie reprend la main sur Tchernobyl. Il s’agit pour Rosatom, société nationale pour l’énergie atomique russe, d’éviter que l’Union européenne et les Etats-Unis prennent le contrôle de la filière nucléaire de l’Ukraine (cf. encadré ci-dessous). La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) a dépensé 700 millions d’euros pour construire un sarcophage de protection au-dessus du réacteur n°4 de Tchernobyl dévasté le 26 avril 1986. Il s’agit selon le communiqué de la BERD d’une « cage géante pour contenir le monstre » mais aussi d’une infrastructure visant sur le long terme à trier les déchets. Le sarcophage a été achevé en octobre 2019. Orano (ex-Areva), toujours à l’affût des bons coups, a signé en 2018 un contrat de faisabilité pour le retraitement des combustibles usés des réacteurs ukrainiens. Ils sont tous de technologie russe. La direction d’Orano se félicitait de cet accord. « Le contrat marque une étape importante pour Orano et un réel succès », « Il ouvre la voie de la filière française de recyclage aux combustibles usés ukrainiens. C’est également une nouvelle marque de reconnaissance du savoir-faire et des compétences du site Orano La Hague ». La Hague est en trop plein mais Orano avec l’aval des gouvernements français cherche toujours des clients à l’étranger même en terrain miné. Sur la filière nucléaire ukrainienne, se référer au communiqué « Vers un nouveau Tchernobyl ? » publié par Robin des Bois le 25 avril 2014, 28 ans après la catastrophe.
 Vers un nouveau Tchernobyl ? rappel communiqué du 25 avril 2014
28 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, l’Ukraine est confrontée à un chaos politique. Dans ce contexte, la question du fonctionnement de l’industrie nucléaire ukrainienne est dangereusement mise de côté. Il y a 15 réacteurs nucléaires en Ukraine, tous alimentés par du combustible venu de Russie. Ils ont été conçus dans les années 60-70 et ne sont pas conformes aux normes de sécurité et à la réglementation aujourd’hui en vigueur en Ukraine. En 2012, le gouvernement ukrainien a décidé de prolonger de 20 ans l’exploitation de 11 de ses plus vieux réacteurs qui devaient être arrêtés à partir de 2015. Compte tenu des actuelles difficultés politiques et financières, on doute que les fonds nécessaires seront disponibles. D’importants investissements sont indispensables pour garantir la protection radiologique des travailleurs chargés de l’adaptation des sites de même que la sûreté des réacteurs au-delà de la durée de vie initialement prévue. Les prolongations d’activité des réacteurs sont financées par la communauté internationale en particulier la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD). Ces extensions d’exploitation n’ont pas fait l’objet d’enquête publique quant à leur impact environnemental et ne sont pas conformes à la Convention d’Espoo sur les impacts sanitaires et environnementaux des projets industriels dans un contexte transfrontière.

Il y a 4 centrales nucléaires en Ukraine: Rovno compte 4 réacteurs et est situé dans le nord-ouest du pays; 2 réacteurs sont en activité à Khmelnitski à 160 km au sud de Rovno ; Ukraine-Sud et ses 3 réacteurs se trouvent à 80 km d’Odessa ; enfin, la plus grande centrale nucléaire d’’Europe, Zaporozhe, exploite 6 réacteurs dont le 1er a été connecté au réseau électrique en 1985. L’histoire de ce site est marquée par le manque de personnel qualifié, le manque d’investissements de maintenance et par les retards de paiement des salaires. Zaporozhe est particulièrement problématique. La centrale nucléaire est située à l’est de l’Ukraine et la gestion du site doit faire l’objet d’une constante coordination entre le Ministère chargé de la protection de l’environnement et de la sûreté nucléaire et l’autorité de sûreté nucléaire tous deux basés à Kiev et la direction et le personnel du site.

En outre, le stockage et le retraitement des déchets nucléaires issus des INB ukrainiennes dépend de la bonne volonté et de la compétence de la Russie. A l’heure actuelle, l’Ukraine est en train d’augmenter la capacité des piscines de stockage de combustibles irradiés dans ses INB.
En Crimée, l’Université Ukrainienne de Sébastopol détenait un petit réacteur de recherche. Il a récemment été annexé par les troupes russes. Un autre réacteur de recherche situé au nord-est dans l’oblast de Kharkiv est prévu pour entrer en activité cette année avec l’assistance technique et financière des Etats-Unis.

Le dernier réacteur de Tchernobyl a fermé en 2000 sous la pression internationale. A l’été 2010, Robin des Bois a alerté le public et les scientifiques sur le risque des feux de forêts autour de Tchernobyl. Les forêts de la région de Tchernobyl sont considérées comme des réservoirs de radioactivité contenant du césium, du strontium, du plutonium et d’autres produits de fission. Les Nations-Unies ont récemment confirmé le risque potentiel d’un nouveau Tchernobyl qui découlerait d’un feu de forêt particulièrement important. Les retombées atmosphériques radioactives du Tchernobyl de 1986 pourraient être remobilisées et la contamination dispersée sur des zones encore plus vastes, selon les conditions météo. Les forêts contaminées ne sont pas entretenues. Les arbres morts, les branches cassées, les pommes de pin, feuilles et autres débris organiques se sont accumulés et ont créé une épaisse couche combustible. Ces forêts sont des bombes radioactives à retardement qui peuvent être déclenchées en cas d’incendie. Il n’y a pas de dispositif d’alerte rapide hormis l’œil vigilant des braves soldats du feu qui scrutent du haut des tours de surveillance. Au sol, l’accès aux pistes forestières de défense incendie est bloqué par un couvert de végétation dense. Dans la lutte aérienne, quelques hélicoptères sont disponibles mais ils ne sont pas équipés de réservoir d’eaux d’extinction. Les pompiers ont des équipements de protection limités, du matériel inadapté et n’ont pas de plan d’intervention d’urgence coordonné.


Dans ces conditions, Robin des Bois appelle l’Ukraine, la Russie, tous les pays riverains et l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) à coopérer pour assurer la sûreté de tous les réacteurs ukrainiens et pour prévenir les incendies de forêt dans la région de Tchernobyl. www.robindesbois.org/vers-un-nouveau-tchernobyl/

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