Vu dans FUTURA: Froid polaire en France : et le réchauffement climatique dans tout ça ?

Comment un coup de froid polaire aussi intense que celui que nous connaissons en France peut-il se produire dans un contexte de réchauffement climatique ? Cela peut paraître étonnant, mais le réchauffement de la Planète peut provoquer des blocages d’air froid plus forts en début d’hiver.

Alors qu’un épisode de froid intense et durable concerne actuellement notre pays, c’est la question à laquelle les météorologues sont tous les jours confrontés : « Comment ce coup de froid peut-il se produire en pleine période de réchauffement climatique ? » Pour certains détracteurs des discours scientifiques, ces températures anormalement basses en décembre seraient même la preuve que le réchauffement de la Planète, constaté par tous en 2022, n’était finalement qu’une variation classique du climat

Mais remettons tout d’abord les faits en perspective. Malgré ce coup de froid significatif (jusqu’à 5 °C en dessous des normales en France et jusqu’à 12 °C en dessous localement en Europe), l’année 2022 a été à 90 % marquée par des températures nettement au-dessus des moyennes de saison, et sur l’ensemble de l’Europe de l’Ouest. De même, aucun record significatif de froid n’a encore été battu en France, alors que les records de chaleur se comptent par centaines en 2022 rien que sur notre pays. Il faut donc relativiser le froid actuel : le temps est juste plus froid que la normale, et nous avons perdu l’habitude de connaître un « temps d’hiver ».

Des blocages d’air froid plus forts et décalés dans la saison

D’autre part, il faut savoir que le réchauffement global de la Planète, lié aux émissions de gaz à effet de serre, a un impact sur les coups de froid comme celui que nous connaissons actuellement. Le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement a tenu une conférence vidéo le 9 décembre dernier sur le lien entre les blocages précoces d’air froid en Europe et l’évolution actuelle du climat. Le climatologue Davide Faranda a comparé la situation météo que nous connaissons actuellement avec les blocages d’air froid similaires survenus auparavant, comme ceux de 1997 et 1998, des années qui étaient moins affectées par le réchauffement climatique.

Dans le passé, ces blocages anticycloniques menant à du froid durable étaient plus courants, mais moins forts, et ne survenaient pas aux mêmes périodes de l’année. « Avec le changement climatique, les coups de froid sont plus brutaux, mais se produisent moins souvent qu’avant. Avant, ce type de situation se produisait régulièrement en mars, et maintenant c’est davantage en décembre et en janvier », précise Davide Faranda.

Cela pourrait-il simplement être dû à la variabilité naturelle du climat et de l’océan ? Nous sommes actuellement dans une phase appelée NAO négative : il s’agit de l’Oscillation Nord-Atlantique, une différence de pression entre deux points de l’atlantique, l’anticyclone des Açores et la dépression d’Islande. Mais contrairement à ce que beaucoup croient, ces phases positives ou négatives n’ont pas d’impact prouvé sur les périodes froides en Europe : le climatologue n’a pu repérer aucune influence marquante de l’une des deux phases.

Selon son collègue Robin Noyelle, doctorant en sciences du climat, la situation météo est inhabituelle à cette époque de l’année, avec un jet stream qui circule très au sud à des latitudes très basses : voilà pourquoi l’air arctique descend aussi facilement et durablement sur l’Europe. Un blocage anticyclonique majeur est en cours sur le Groenland, et « lorsqu’il se met en place, c’est parti pour durer. Les blocages anticycloniques sur le Groenland sont généralement les plus longs de tous les types de blocages anticycloniques qui existent. Cette fois-ci, cela devrait durer 15 à 20 jours », explique le scientifique. Une situation peu courante pour un mois de décembre.  

La fonte des glaces de l'Arctique influence la météo dans le reste de l'hémisphère Nord, et peut ainsi mener à des blocages d'air froid précoces en Europe. © Felix, Adobe Stock

LA FONTE DES GLACES DE L’ARCTIQUE INFLUENCE LA MÉTÉO DANS LE RESTE DE L’HÉMISPHÈRE NORD, ET PEUT AINSI MENER À DES BLOCAGES D’AIR FROID PRÉCOCES EN EUROPE. © FELIX, ADOBE STOCK

Le réchauffement climatique provoque un affaissement du vortex polaire

Selon une étude publiée dans Science en 2021, le réchauffement climatique provoque un affaissement du vortex polaire qui peut ensuite affecter les hivers en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. La fonte des glaces dans l’océan Arctique provoque un enneigement supérieur à la normale en Sibérie, situation que nous connaissons actuellement puisque l’étendue des surfaces enneigées dans l’hémisphère Nord était, fin novembre, la plus grande depuis 1966.

Lorsque ces surfaces enneigées dans les régions polaires sont plus étendues que la moyenne, le vortex polaire est déstabilisé. Ce gros cyclone d’air froid présent au-dessus de l’Arctique s’affaisse et concerne alors plus largement l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Ce vortex polaire, lorsqu’il « se décroche » de sa place habituelle, peut descendre sur l’Europe et occasionner des vagues de froid sévères. Lorsque le vortex polaire est stable et fort, il reste à l’inverse calé sur les régions polaires et les conditions météo sont soit normales, soit douces, en Europe et aux États-Unis. Mais s’il faiblit, il affaiblit également le jet stream, comme c’est le cas actuellement. Voilà comment le réchauffement global de la Planète peut être responsable de coups de froids intenses dès le début de l’hiver.

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