« Carbone bleu » : le pari sous-marin du Japon pour lutter contre le réchauffement
Inès SimondiPublié le 26 mai 2025 à 13h45

Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le Japon a lancé mardi 24 mai un programme visant à explorer le potentiel de stockage du CO₂ par les végétaux marins. Ce « carbone bleu » pourrait devenir un allié de poids dans la lutte contre le réchauffement climatique.Partager
Bien que les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la Terre, ils demeurent parmi les écosystèmes les moins connus de notre planète. Pourtant, ils recèlent des ressources essentielles pour atténuer le réchauffement climatique, au premier rang desquels figure le « carbone bleu ». Dans sa quête vers la neutralité carbone à l’horizon 2050, le gouvernement japonais a lancé samedi 24 mai une vaste étude sur le potentiel de séquestration du carbone par les algues marines.
Le carbone bleu désigne le CO2 stocké par les écosystèmes côtiers végétalisés : mangroves, marais salés, herbiers marins et certaines espèces d’algues. Ces végétaux marins, capturent le dioxyde de carbone grâce à la photosynthèse, un processus par lequel ils transforment le CO2 dissous dans l’eau et la lumière du soleil en matière organique, tout en libérant de l’oxygène.
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Actuellement, il est difficile de quantifier avec précision la quantité de carbone bleu dans ces écosystèmes. Les milieux marins sont soumis à de fortes disparités locales : courants, salinité, température, profondeur ou encore saisonnalité. Cette « variabilité » complique la mise en place de modèles fiables et applicables à grande échelle. L’étude japonaise doit permettre d’identifier, de cartographier et d’évaluer le carbone stocké dans les écosystèmes marins et d’eau douce.
Le premier puits de carbone au monde
Selon les estimations de l’Unesco, ces habitats qui couvrent moins de 1 % des fonds marins mondiaux, sont capables de piéger plus de 50 % du carbone stocké dans les océans. À surface égale, leur efficacité dépasse même celle des forêtstropicales. Cette capacité à stocker durablement du carbone dans les sols marins — parfois pendant des millénaires — en fait de précieux alliés face au changement climatique.
Les végétaux marins captent ainsi plus de la moitié du CO2 stocké naturellement sur la planète, ce qui fait des écosystèmes côtiers les premiers puits de carbone mondiaux. Viennent ensuite les forêts, appelées « carbone vert », qui constituent le deuxième réservoir de stockage, suivies par le « carbone brun », c’est-à-dire le CO2 absorbé par les sols, en particulier dans les zones agricoles.À lire aussiCapture, stockage et élimination du CO2 : ces technologies qui promettent de sauver le climat
Actuellement, les prairies marines des côtes japonaises sont capables de capturer entre un et deux millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) par an. Un chiffre marginal comparé plus de un milliard de tonnes émises chaque année par le pays, mais perçu comme un levier d’avenir, complémentaire aux efforts déjà en cours dans les secteurs industriels et énergétiques.
Un écosystème en danger
Ces milieux naturels sont toutefois en péril. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime qu’environ 50 % des écosystèmes qui abritent les puits de carbone bleu auront disparu d’ici 2050. Au Japon, certaines zones littorales font déjà l’objet de campagnes de plantation de zostères — des plantes aquatiques parfois surnommées le « varech de mer ». Depuis 1978, entre 20 et 36 % des herbiers marins de l’archipel ont été détruits, en grande partie à cause de l’urbanisation côtière, de la pollution et de la surpêche selon le ministère de l’environnement japonais. Le déclin se poursuit et les efforts de restauration peinent encore à inverser la tendance.
C’est dans ce contexte qu’en 2024 le Japon est devenu le premier pays à inclure officiellement le carbone capté par les algues marines dans son inventaire national d’émissions, soumis à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Mais sans cadre juridique harmonisé à l’international, il est difficile d’attirer des financements ou de créer des marchés carbone basés sur la conservation de ces écosystèmes.