Les phosphates à l’accusation, mp Nougaret


Les médecins libéraux ont écrit au 1er ministre et Santé Public France a réagi[1]. Le Monde, Libération et France Inter ont publié des articles sur le danger du cadmium, contenu dans les engrais phosphatés et assimilé dans la nourriture, suspect de causer l’augmentation récente des cancers du pancréas, notamment chez les enfants. Et voilà nos grands quotidiens en train de déconseiller les céréales et vanter l’agriculture biologique, en omettant de dire qu’en France, elle est peu soutenue, sinon persécutée, – ceci dans le pays qui en jeté les bases légales[2] – c’est toujours étonnant. 

En d’autres temps, c’est le pain qu’on aurait accusé. Seulement, aujourd’hui les enfants ne mangent pas des tartines le matin, mais, à la façon des Etats-Unis, un bol de céréales, cultivées sur des sols loin d’être vierges (comme par exemple, ceux du Canada, sur déforestation), et lessivés par la chimie. Qu’il s’agisse de blé, de haricots ou de tournesol, toutes les grandes cultures menées de façon dite conventionnelle en France, contiennent des phosphates de nos jours.

Les phosphates, c’est bien sûr du phosphore, indispensable à la vie. Chaque brin d’ADN en recèle en son centre, le cerveau en regorge, ce qui lui permet de phosphorer. Le fumier et le compost favoris de l’agrobiologie en fournissent autant qu’on veut. Mais les plantes ne peuvent pas l’absorber sans s’allier à des champignons microscopiques que les pesticides tuent. La chimie s’en moque, elle a la parade : elle fournit le phosphore aux végétaux sous la forme assimilable de phosphates en solution dans l’eau. 

Résultat, les phosphates boostent les cultures, comme l’azote et le potassium des deux autres engrais solubles. Mais ce sur-régime fatigue. En effet les plantes ont besoin d’eau pour la photosynthèse, davantage si elle est coupée d’engrais. D’où le constat, banal depuis 1976, que les années de sécheresse, le blé cultivé en biologie est de loin le plus beau.

On extrait les phosphates des mines de gisements de sédiments marins : le poisson, c’est connu, aide à phosphorer. Problème, certaines mines du Sahara s’épuisent, et leur rendement baisse à mesure que les prix montent comme l’écrivaient Pablo Servigne et Yves Cochet dans Comment tout peut s’effondrer (2015). En attendant, les médecins s’inquiètent parce que les phosphates sédimentaires d’Afrique du nord comme ceux de la Chine sont contaminés par du cadmium (alias Cd). 

Il s’agit d’un des trois métaux lourds[3], archi toxiques, que le corps élimine difficilement. C’est ainsi que le brocoli, qui contient du sélénium capable de les neutraliser, depuis qu’on le sait se vend plus cher, alors que le chou-rouge, de la même espèce botanique, possède aussi ce pouvoir [4]. De plus si le tube digestif se défend plutôt bien, ce n’est pas le cas des poumons où séjourne la fumée de tabac (non bio) chargée de cadmium. Voilà, avec les goudrons de la combustion du papier, une autre cause de cancers (qui en ont toujours plusieurs). 

Mais tout le cadmium ne vient pas des phosphates. Certains sols en sont chargés naturellement. Une enquête récente de Que Choisir incite ainsi à ne pas abuser du chocolat d’Amérique du sud[5]. Enfin, les pneus en comportent, au taux moyen de 1,66 mg de Cd par kg de gomme pour les voitures, 10 mg par kg pour les pneus de camions.[6]. Simple question de fabrication, selon les spécialistes, et qui peut s’améliorer[7]

Toujours est il que pour la Commission Européenne, c’est une pollution majeure des transports : « il s’échappe davantage de micro -particules des pneus et des freins que des pots d’échappement » a t elle écrit[8]. L’association Agir pour l’environnement a montré qu’ il s’en envole d’avantage des voitures lourdes comme la Tesla, qui pèse près de 2 t, et sur les ronds points par ce qu’il faut braquer[9]. Tout cela bien entendu  retombe dans les champs cultivés. Mais chut n’en dites rien, les voitures électriques ne polluent jamais.
Y a t-il un lien ?  La France vient de reconnaître au Maroc la propriété de certaines mines de phosphate en pays sahraoui où l’on attend depuis 1992 la tenue d’un référendum d’autodétermination promis par l’ONU. Et de fait, outre le cadmium, ces phosphates contiennent de l’uranium, dont nous pourrions avoir besoin pour les centrales nucléaires, si nécessaires aux voitures électriques, justement. Ce qui rend les phosphates encore plus mauvais, mais chut n’en dites rien.[10]

Marie-Paule Nougaret


[1] Stéphane Mandard, La France malade du Cadmium, une « bombe sanitaire » alertent les médecins libéraux, Le Monde, 5 juin 2025.

[2] en 1981, La France fur le premier pays a définir les cahiers des charges d’agriculture biologique, concoctés par les ONG et le ministère de l’agriculture, et créer le label AB, depuis repris par l’UE qui l’a assoupli quelque peu (nitrites… )

[3] la dénomination métaux lourds qu recouvre Cadmium, mercure et plomb, tend a disparaître au profit de métaux toxiques, car on y comprend l’aluminium, au rôle parfois bénéfique, notamment dans l’argile, mais très nocif pour le cerveau.

[4] Les bases du régime anti-métaux lourds sont en fait simples, cf Anticancer de David Servan Schreiber, éditions Robert Laffont, 2007, et La Cité des plantes, en ville au temps des pollutions, Marie-Paule  Nougaret, éditions Actes Sud 2010.

[5] Que choisir, le 21aout 2025, ciré par Reporterre, https://reporterre.net/Manger-du-chocolat-une-forte-source-de-contamination-au-cadmium.

[6] Multi element analysis of type rubber for metal tracers, Environment international,  en consultation libre ici :https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412023003203

[7] idem

[8]https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_6495

[9] https://partage.agirpourlenvironnement.org/s/decouvrez-notre-enquete-exclusive-les-pneus-nous-pompent-lair/

[10] https://fr.hespress.com/327085-production-duranium-le-phosphate-marocain-un-potentiel-minier-prometteur.html

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