extremisme: Quand une ONG viole la liberté de la presse

Ni le terrorisme , ni la certitude de se sentir dans le vrai n’autorise à violer la liberté de la presse. C’est pourtant ce que vient de faire extinction rebellion.

Climat: la tentation de l’extrémisme

Le 07 septembre 2020 par Valéry Laramée de Tannenberg

Pour la première fois, Extinction Rebellion a ciblé la presse britannique.

Pour la première fois, Extinction Rebellion a ciblé la presse britannique. 
Extinction Rebellion

En empêchant, ce week-end, la distribution de plusieurs quotidiens et hebdomadaires britanniques, Extinction Rebellion mène un acte de censure inédit contre la presse d’information. Unanimement dénoncée, outre-Manche, cette entrave pourrait avoir de graves conséquences judiciaires pour l’organisation écologiste.

Extinction Rebellion (XR) a tenu parole. Ces derniers jours, le mouvement pro-climat a mené une série de manifestations d’ampleur dans le grand Londres. Fidèles aux modes d’action qui les ont fait connaître, des milliers d’activistes ont bloqué de grandes artères, se sont collés à la chaussée. Avec comme point d’orgue, un imposantdie-in devant le palais royal de Buckingham. Rien que de très classique désormais pour ces militants anti-réchauffement.

C’est samedi matin qu’une nouvelle arme a été dégainée. Tôt dans la matinée, quelques dizaines de personnes ont bloqué deux imprimeries, l’une dans le nord de Londres, l’autre dans la banlieue de Liverpool, stoppant nette la distribution de nombreux quotidiens et de leurs suppléments du week-end, toujours très attendus outre-Manche.

Cinquante et une personnes, âgées de 19 à 68 ans, ont été inculpées d’obstruction à la voie publique, pour avoir bloqué l’accès à des imprimeries du groupe Newsprinters, a indiqué la police locale dans un communiqué dimanche soir. L’une d’elles, une femme de 45 ans, a été placée en détention provisoire avant sa comparution lundi au tribunal d’Hatfield, au nord de Londres.

LES JOURNAUX DE RUPERT MURDOCH

Etaient particulièrement visés le Sun, le Times, les Daily Miror et Telegraph, ainsi que le Financial Times (FT). Tous ces titres ont le tort, aux yeux des dirigeants de XR, d’appartenir à News Corp. Pour XR, le groupe de presse de Rupert Murdoch est coupable «de ne pas correctement informer ses lecteurs sur les urgences climatique et environnementale». Certes, le magnat australien est réputé pour son climato-scepticisme bien trempé. Et nombre des rédacteurs en chef de ses titres partagent le contestable point de vue du boss.

L’organisation écologiste a décidé de frapper au cœur une presse d’information (pas toujours très honnête sur la question climatique, il est vrai) très affaiblie. Ce faisant, elle a aussi privé des millions de lecteurs d’informations. Ce qui interroge sur le caractère démocratique du mouvement.

MARRONNIER CLIMATO-SCEPTIQUE

En voulant ainsi combattre la désinformation climatique, un marronnier pour certains titres de News Corp., XR commet plusieurs erreurs. L’érosion de la diversité éditoriale est un recul démocratique, jamais une avancée. L’ONG place aussi toutes les publications de News Corp. sur le même plan. Or, la rédaction du FT mène un remarquable travail d’information sur le climat, les contraintes que le réchauffement impose à l’économie et les transformations qu’elles occasionnent. Aucun quotidien des affaires de renom, en Angleterre et ailleurs, ne réalise ce travail, n’en déplaise aux rédacteurs en chef des Echos.

ORGANISATION CRIMINELLE

En frappant inconsidérément de nombreux médias, XR tend aussi une formidable perche au gouvernement de Boris Johnson. Sa ministre de l’intérieur, la virulente Priti Patel, condamne déjà ces «attaques contre la démocratie». Il n’est pas certain que son avis ne soit pas partagé par une majorité de Britanniques. Dans un communiqué, le ministre fantôme travailliste de la culture, des médias et des sports, Jo Stephen, a condamné, lui aussi, ces actions. En octobre 2019, XR s’était déjà attiré les foudres des commuters en bloquant le départ de rames de métro et de trains de banlieues aux heures de pointe. Une action que l’organisation avait peiné à justifier.

Moins conciliante que les fois précédentes, la police londonienne n’a pas fait de quartier, la semaine passée. Environ 600 militants ont été arrêtés, à la grande joie, sans doute, des lecteurs des quotidiens bloqués. L’administration britannique s’interroge sur le fait de considérer XR comme une organisation criminelle. Pas sûr que la lutte contre le changement climatique ait gagné une manche ce week-end, au Royaume-Uni.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *