Chlordécone . Au Sénat le 17 fevrier 2022, des chercheurs présentent des solutions à l’étude pour faire face à cette « pollution de 100 ans

Le chlordécone, principe actif d’un pesticide, a été épandu entre 1972 et 1993 dans les plantations bananières antillaises, contaminant durablement les sols mais aussi l’eau du sous-sol et les milieux aquatiques. En Martinique et en Guadeloupe« les stocks de chlordécone atteignent 1 à 10 kg par hectare », a révélé Marc Voltz, directeur de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Le poison diffuse, lentement, à 90 % par percolation (10 % par ruissellement), vers les aquifères et les rivières. « Une contamination pour… 100 ans, voire quelques décennies dans certains types de sol, a annoncé Magalie Lesueur-Jannoyer, experte du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). « Mais dans le rapport de 2009, on pensait qu’il faudrait 350 à 750 ans pour s’en débarrasser ! https://www.dailymotion.com/video/x87v8sr

Trente ans après la fin de l’utilisation du chlordécone aux Antilles, des solutions de décontamination ont été présentées, jeudi 17 février au Sénat, devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT).

Une lueur d’espoir

Les solutions de décontamination arrivent. « La recherche scientifique a fortement progressé », a déclaré jean Yves Le Drian , jeudi 17 février 2022, en conclusion d’une audition publique au Sénat menée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT). Présidé par Cédric Villani, l’Office souhaitait connaître l’état des connaissances scientifiques sur ce polluant

Le pesticide reste difficile à extraire des argiles « allophanes » (50 % des sols martiniquais). Une partie de la recherche scientifique s’est donc orientée vers la « séquestration du chlordécone (dans le sol) » a expliqué Thierry Woignier, directeur de recherche au CNRS à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale. Le chlordécone se lie facilement à la matière organique. « On le séquestre avec du compost. » L’ajout de matière organique réduirait par six, en moyenne, les risques de contamination des cultures. Notamment laitues, concombres et sur les radis où « de dix à quinze fois moins de chlordécone ont été relevés ».

Contrairement aux légumes à racines, aux cannes à sucre voire aux cucurbitacées et laitues, les arbres fruitiers, les bananes, les tomates, les aubergines, les ananas sont peu contaminés. « Mais ça reste une pollution persistante qui finit dans l’assiette des Antillais » , a rappelé Magalie Lesueur-Jannoyer. Cette pollution pourrait être réduite par l’usage de bactéries spécifiques, selon Pierre-Loîc Saaidi, de l’université d’Evry. Le chlordécone est alors dégradée en sept grandes familles de molécules. Mais la toxicité des dérivés n’a pas encore été étudiée, faute de budget.

La sénatrice à l’origine de ce nouveau rapport ainsi que la chercheuse guadeloupéenne se sont étonnées du fait que les études étaient menées sur les concombres et les laitues qui ne sont pas des légumes de base de l’alimentation antillaise. On apprend alors avec stupeur que ces choix relèvent simplement des connaissances , des « modéles » de la recherche française (CIRAD/INRA) qui connait encore trop mal les légumes racines, les chrystophines, les chouchous… et tout ce qui fait la base de l’alimentation antillaise . En résumé , en dehors du radis pouvant être considéré comme un légume racine, les légumes testés n’ont rien à voir avec les aliments de base antillais.

« Le zéro chlordécone, on n’y arrivera pas », a affirmé Thierry Woignier. Sauf à des prix prohibitifs. Comme le procédé d’extraction ISCR (in situ chemical reduction), qui transforme le chlordécone avec du fer zéro valent (FZV). Coût de l’opération : 160 000 € par hectare. Soit 3,2 milliards d’euros dans l’hypothèse de 20 000 hectares contaminés. C’est une « chimiothérapie du sol », jusqu’à 40 cm de profondeur, a déclaré Chistophe Mouvet, du Bureau de recherches géologiques et minières. Les résultats ? Une réduction de 68 % de chlordécone en 94 jours. Et la possibilité d’y faire pousser des cultures vivrières. Les patates douces, concombres, radis présentent une concentration de chlordécone inférieure à la LMR (limite maximale de résidus). « La toxicité des produits dérivés est inférieure à celle du chlordécone. »

En attendant, les Antilles pourraient être amenées à utiliser du charbon actif pour sécuriser leur eau potable. Des zones interdites de pêche ont déjà permis de réduire le taux de poissons impropres à la consommation de « 60 à 27 % sur les étals des marchés », selon Charlotte Dromard, ingénieure de l’Université des Antilles.

Des bovins sont également potentiellement contaminés. La solution ? Des box de décontamination, avant l’abattage, où ils consomment pendant deux à trois mois du fourrage sain. Suffisant pour rendre la viande consommable, selon Guido Rychen (ENSAIA). « Il est nécessaire de poursuivre la recherche, a rappelé Cédric Villani, « sidéré » que le recensement des parcelles contaminées ne soit toujours pas achevé ! Le dossier chlordécone (4e plan), qui se chiffre en milliards, est à mettre en haut de l’agenda avec un budget en face. Sinon c’est de la gesticulation. »

La deuxième audition publique, au Sénat, sur le chlordécone, sera consacrée aux conséquences sur la santé humaine et aux répercussions sociales aux Antilles, le 1er mars 2022, à 15 h. En direct sur le site internet du Sénat (www.senat.fr)

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