Domaine de Vassal: « le louvre » de la vigne menacé par la montée des eaux

Alors que nous poursuivons le tournage de notre 52′ sur la modification du trait de côte Languedoc Roussillon, l’accès au domaine de vassal reste réservé : Cecile Marchal, responsable du domaine seule habilitée à la visite est en congé maladie …..Cette collection emblématique reste pourtant un passage obligé des grandes questions qui agitent le littoral menacé

La plus grande collection de cépages au monde déplacée par la montée des eaux

Coincée entre la Méditerranée et l’étang de Thau, « le Louvre de la vigne » est menacée par la submersion marine. Un vaste projet de déménagement a commencé.

Une bande de sable d’à peine 1 kilomètre de large cernée d’un côté par la Méditerranée, de l’autre par l’étang de Thau. C’est sur cette fine et fragile ligne que sont installés les 27 hectares de vignes du domaine de Vassal, considérés comme la collection de cépages la plus précieuse au monde.

Créée en 1876, elle est d’abord unique par sa taille : 8 500 variétés de vignes différentes originaires de plus de cinquante pays y sont rassemblées. Cécile Marchal, directrice du domaine, connaît chaque recoin de chaque parcelle : « Il n’y a pas un bout de bois qui n’est pas étiqueté ici. On trouve des cépages rares d’Afghanistan, de Syrie, des variétés sauvages japonaises, des variétés tropicales africaines, mais aussi 500 cépages français dont certains très anciens », détaille la spécialiste, les pieds dans le sable.

Cécile Marchal dans une serre « insect proof » (protégées des insectes par des filets) du domaine contenant les doubles de sécurité de 200 variétés à l’abri des ravageurs. ©David Richard / Reporterre

Cette collection, propriété de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), est aussi unique par sa valeur scientifique. Ce conservatoire constitue en effet un patrimoine génétique et historique rare, « car une grande partie de ces variétés ne sont plus cultivées à l’heure actuelle et présentent un intérêt pour l’amélioration variétale pour la vigne du futur », ajoute la responsable du domaine.

C’est donc au travers d’un reportage fait par nos collègues du journal REPORTERRE , le plus récent puisqu’il date de 2022, que nous pouvons décrire ce lieu unique:

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© Louise Allain / Reporterre

Vue du ciel, la problématique saute aux yeux

Le patrimoine du domaine de Vassal est tel qu’on lui attribue le surnom de « Louvre de la vigne »« Aujourd’hui encore, pour compléter la représentativité et la diversité de la collection, de nouvelles variétés arrivent du monde entier, issues pour la grande majorité de prospections ou d’échanges avec d’autres conservatoires », complète Cécile Marchal, en présentant des spécimens arrivés récemment de Grèce et conservés sous serre.

La collection de cépages n’est pas installée en bord de mer par hasard. D’abord implantée à l’École d’agriculture de Montpellier, elle a été déménagée à Marseillan en 1949. « C’était en pleine crise du phylloxera, un puceron ravageur qui menaçait le vignoble français. Le sable est indemne de ce pathogène et d’autres parasites de la vigne, il y avait donc un intérêt à implanter ce conservatoire sur le littoral. » Mais cet emplacement, autrefois protecteur, met aujourd’hui en péril le domaine.

Les vignes sont plantées dans un sol sableux, qui les protège du phylloxera et d’autres parasites. ©David Richard / Reporterre

Vue du ciel, la problématique saute aux yeux. La mer est à quelques pas seulement. De l’autre côté, l’étang, plus salé encore, n’est séparé des vignes que par une route et une voie ferrée. Et à terre, les conséquences du réchauffement sont déjà là.

En ce jour de décembre, les feuilles persistent sur les pieds censés être nus depuis plusieurs semaines. Mais c’est surtout en sous-sol que se cache la menace. « Il y a de moins en moins d’apport d’eau douce dans les sols, à cause des sécheresses répétées mais aussi des besoins en eau potable de l’agriculture et d’une population grandissante sur ce littoral », explique Sylvain Labbé, président du centre de recherche Inrae Occitanie-Montpellier.

5 kilomètres ont disparu depuis 1950

L’eau douce parvient difficilement à faire barrage à l’eau salée venue de la mer qui pénètre toujours plus dans les terres. La viticulture n’est pas la seule touchée par le phénomène. Selon la chambre d’agriculture de l’Hérault, les ravages du sel sont désormais observés sur des cultures situées jusqu’à 7 kilomètres de la mer.

Pour la première fois cet été, l’équipe du domaine de Vassal a vu les symptômes concrets de la salinisation des sols sur la vigne : « Les bords des feuilles étaient littéralement brûlés », raconte Cécile Marchal. Pour l’instant la vigne résiste, mais si le seuil de tolérance est dépassé, alors la plante peut mourir.Le domaine de Vassal est traversé par une roubine, sorte de petit canal qui permet d’irriguer le vignoble et qui favorise la biodiversité.  ©David Richard / Reporterre

À plus long terme, c’est la mer qui menace le vignoble. Dans le seul département de l’Hérault, 5 kilomètres de côte ont disparu depuis les années 1950 et, selon le Centre d’études et d’expertise sur les risques liés à l’environnement (Cerema), à ce rythme, en 2100, Marseillan serait tout simplement rayé de la carte.

D’importants travaux ont été menés sur cette bande de sable entre 2005 et 2015 : la route départementale a été déplacée, le cordon dunaire réensablé et des boudins immergés au large pour atténuer les coups de houle. Mais les progrès technologiques ont leurs limites et la montée des eaux est inéluctable« Cela fait des années que l’on sait qu’il faudra partir, mais là, on y est. On ne peut plus attendre », dit Névine Kocher, cheffe de projet du transfert de la collection ampélographique de Vassal à l’Inrae.

Solution : déménager des milliers de plants de vigne

L’Inrae a donc décidé de déménager la collection à quelques dizaines de kilomètres de là, sur les hauteurs de Gruissan, dans l’Aude. Le projet, d’un montant de 5 millions d’euros [1], a été officiellement lancé à la fin de l’été 2022, mais le déménagement devrait s’étaler sur une dizaine d’années. Car déplacer des pieds de vigne n’est pas si simple.

« Un tiers des pieds sont sains, soit 1 500 accessions. Pour ceux-là, le déplacement est relativement simple, explique Névine Kocher. Pour les deux tiers restants, porteurs de virus, les opérations sont plus complexes. Avant de les réimplanter, il faut les assainir, les débarrasser des virus et les regreffer. Il s’agit de manipulations délicates. »

En parallèle de ces opérations, des doubles de chaque variété vont être réalisés et placés sous serre. « Une sorte de copie de sécurité protégée des aléas climatiques au cas où il y ait un souci avec la collection », indique Cécile Marchal.

Dans les bureaux du centre de ressources biologiques de la vigne du domaine de Vassal, un herbier enrichit la collection de cépages. Cet herbier comprenant 10 000 dossiers est actuellement inventorié pour être ensuite scanné et numérisé.  ©David Richard / Reporterre

Il faudra également préparer le nouveau terrain. Le site de Pech rouge, au cœur du parc naturel régional de la Clape, est classé Natura 2000. Pour ne pas le dégrader et pour y préserver la biodiversité, le déménagement va s’accompagner de mesures environnementales. Des travaux forestiers seront menés pour favoriser le peuplement de pins, des corridors écologiques seront aménagés et des ouvertures de milieux seront privilégiées.

Une fois replantées à Gruissan, les vignes continueront à servir la recherche, notamment pour créer de nouvelles variétés résistantes à la sécheresse, à la chaleur ainsi qu’aux maladies et parasites. « Cette collection est pour nous un réservoir de gènes : on peut par exemple identifier ceux impliqués dans la résistance au manque d’eau », développe Patrice This, responsable d’une équipe de recherche sur l’adaptation de la vigne à l’Inrae.

Le dernier pied de la collection devrait être planté à Pech rouge en 2030. « On croise les doigts pour que d’ici là la mer ne grignote pas le vignoble de Marseillan », espère Névine Kocher.

Ce déménagement suffira-t-il à préserver et pérenniser cette collection unique ? Les chercheurs croient au projet tout en mesurant sa fragilité. « Nous sommes à un moment charnière pour la viticulture française, avoue Cécile Marchal. Cultiver des vignes en zone méditerranéenne sera sans doute compliqué dans cinquante ans. »

Certains l’ont compris et développent déjà la viticulture plus au nord, en Bretagne, voire en Grande-Bretagne, là où le climat devient plus favorable.

EN SAVOIR PLUS: émission « Nous n’avons qu’une terre » du 27 Janvier 2023 , IT d’Yves LEERS, journaliste et auteur de « Vin, le grand bouleversement » ed Buchet Chastel : https://divergence-fm.org/podcasts/quelle-vigne-pour-quel-climat-2/

https://reporterre.net/Le-Louvre-de-la-vigne-va-boire-la-tasse

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