UNOC 3 (suite) : AIRES MARINES PROTEGEES
C’est un thème qui a créé la polémique à l’UNOC3, surtout dans les rangs français et qui n’est pour l’instant pas résolu.
Petit retro pédalage :
Lors de la conférence sur la biodiversité en 2024 à Cali une déclaration appelait le monde à travailler à la création d’aires marines protégées. S’en est suivi un mouvement de mise en protection souvent sur le papier. La France riche des 10,9millions de kilomètres carrés de ZEE (zones économiques exclusives à 370km autour des côtes) cherche à s’afficher comme championne de la protection des océans. C’était sans compter une grande polémique puisque depuis plusieurs mois, à juste titre, l’association Bloom dénonce le chalutage en eaux profondes, même en zone soit disant protégées, or là où passe le chalut, tout trépasse.
Une proposition française insuffisante mais digne d’intérêt
En effet, la carte des aires marines protégées (AMP) proposée par la France pour « accélérer », proposait une cartographie de zones en Méditerranée et en Atlantique En France l’’OFB gère et contrôle 564 des AMP de France qui sont en fait des zones Natura 2000, parcs marins … , qui est une cible de l’ODD 14. Sous leur nombreuses appellations elles représentent déjà 30 % de notre territoire maritime. Malheureusement la zone Atlantique augmentée, recouvre une zone soumise au chalutage et non protégée, selon Bloom, dérogeant ainsi au droit européen et aux engagements français non respectés. Cette polémique, le député EELV de l’hérault Jean louis Roumegas l’a porté dans une question au gouvernement. Une question très limitée à la zone atlantique et mer du Nord.
une question sémantique : AMP ou aire marine à forte protection:
Déjà avant le début de l’UNOC cette question avait été portée entre autre par Sabine Roux de Bezieux présidente de la fondation de la mer au CESE (conseil économique et social) « notre pays est un mauvais élève dans ce domaine, en terme de gestion et de protection, seules les AMP à protection intégrale ont un vrai impact sur la biodiversité et seul 1,7% des AMP en France (est non ps 30%) bénéficient de la protection élevée et haute. » Le Cese demande d’ailleurs une meilleure définition des AMP, proche de celle de l’UICN
Plusieurs réponses restent en suspend.
La première c’est qu’une AMP n’est pas seulement faite pour recouvrir une zone poissonneuse mais doit également protéger les zones sensibles en biodiversité : : herbiers et algues, coraux, failles…Le gouvernement polynésien est venu au secours du bilan français en annonçant la création d’une AMP sur 4millions de km2, dont 20% de protection stricte. Une protection que l’on doit à ce savoir ancestral de la mer que possèdent les polynésiens « C’est facile de mettre des couleurs sur une carte nous déclarait en 2018 Maïna Sage quand elle était députée , mais seule une gestion inclusive sera efficace avec les pêcheurs comme aiguillons sans conflit avec les associations, et avec l’état comme arbitre. Il faut impliquer tout le monde » Ce savoir faire les polynésiens le déploient de longue date, et Maïna d’égrener quelques règles « nos quotas sont supérieurs à ce que l’on pêche. Seuls les bateaux polynésiens ont le droit de pêcher, la pêche hauturière est bannie » et les travaux se poursuivent pour remettre le rahui en vigueur (depuis le X° siècle le rahui, un interdit, une sous catégorie du tapu (https://fr.wikipedia.org/wiki/Tapu), aux définitions changeantes d’une île à une autre, règle l’usage de la mer et de la terre afin que les Hommes n’en retirent que le nécessaire. Le rahui est une zone tabou dans laquelle il est interdit de pêcher, de circuler et même parfois de se baigner afin de laisser le temps aux espèces de grandir. « La création d’une telle zone en protection stricte est une très bonne nouvelle, mais il faudrait que la métropole s’aligne » déclarait Romain Troublé de la Fondation Tara Océans.
Encore une fois s’impose le temps.
Il faudra attendre la prochaine réunion de l’UICN, confortée par la prochaine COP biodiv, et la signature de l’entrée en vigueur de BBNJ pour que la prescription AMP devienne « protection forte ».
Au niveau mondial l’objectif serait de passer de 8,4 à 30 % des océans protégés d’ici à 2030. On y arrivera si on fait des AMP en Haute-Mer. En 2023, un accord international a été signé, permettant de créer des AMP en Haute Mer (Traité BBNJ Marine Biodiversity of aereas Beyond National Jurisdiction), qui vont au-delà des Zones économiques exclusives (ZEE) et du plateau continental côtier. Il est toujours en attente de ratification pour entrer en vigueur et grâce à un effort considérable de la diplomatie française nous sommes passé de 21 signature début 2025 à 55 signatures confirmées à l’UNOC3.Tous espèrent une entrée en vigueur fin 2025 (il faut 60 signatures) ce qui signifierait une véritable possible régulation de la pêche illégale et de la protection , mais la Russie et Chine freinent encore sur ce point et la situation internationale n’ait guère propice: https://www.mer.gouv.fr/traite-international-pour-la-protection-de-la-haute-mer-et-de-la-biodiversite-marine-bbnj.
Mais quel sera, dans le cadre de l’émergence des nouveaux impérialismes, le rôle de ces AMP? Resteront elles des lieux dévolus à la protection de l’environnement ou de nouveaux acquis nationaux pouvant devenir des bases militaires dans un zone qui pour l’instant n’appartient à personne (la Haute mer) et qui est censé devenir un bien commun grâce à l’entrée en vigueur de BBNJ?
Ajoutons à cela le fait que la science est appelée à la barre. Le spatial notamment permettra davantage de surveillance et de repérages, mixera la connaissance des fonds marins et l’usage des mers. Car comment définir les zones de reproduction, les zones à protéger quand on connait si peu de choses de l’océan sinon que ses courants bougent sous l’effet du réchauffement. On parle d’un affaiblissement ou retournement de l’AMOC, on a vu les sargasses quitter leur mer d’origine pour envahir la Caraïbes et pourrir les côtes martiniquaises et guadeloupéennes. Où se trouveront les blooms planctoniques de demain ? Les lieux de ponte et les nurseries ?
Difficile de protéger quand ces connaissances nous manquent.
Du coté des professionnels de la protection, on estime que les AMP françaises « sont encore jeunes ».L’OFB est actuellement en tractation avec le monde de la pêche, à la demande de l’Etat, pour proposer des mesures afin de réduire la pression de la pêche sur les espèces et les habitats protégés des AMP. Le dialogue entre parties prenantes reste à affiner, d’autant que les zones riches en biodiversité sont aussi celles où la pêche est fructueuse et qu’une réflexion doit se mener autour du chalut (25% des prises en valeur). Ifremer a donc un rôle à jouer, et pour l’instant les autorités françaises revendiquent « le cas par cas ».
C’est sur ces remarques que l’ONG Varda group, membre de la plate forme océan et climat, préconise un renversement de notre approche de la mer, une mise en protection totale de l’océan , avec des zones de protection fortes et des demandes d’autorisation d’usage de certaines zones. Conscients de l’importance du rôle de la société civile pour faire avancer l’action en faveur de la protection de l’océan, les Gouvernements de la France et du Costa Rica ont mandaté Loreley Picourt, Directrice générale de la Plateforme Océan & Climat, et Rémi Parmentier, fondateur de The Varda Group, pour mobiliser la société civile internationale en préparation de la conférence. Le lancement de “l’Appel à toutes les voix de l’océan”, auquel 120 organisations de la société civile ont répondu , a marqué le début de cette mobilisation et permis d’identifier trois priorités pour l’UNOC3 : la nécessité d’accélérer la gouvernance de l’océan, le besoin de redevabilité et l’urgence d’anticiper l’avenir de l’océan et de l’ODD 14.
Après le principe de précaution, le principe de protection.
D Martin Ferrari
A écouter sur le sujet, émission « nous n’avons qu’une terre » radio divergence : Gilbert DAVID, chercheur IRD les 20 et 22 Juin : https://divergence-fm.org/filterpodcast/nous-navons-quune-terre/