Energies marines renouvelables : la Cour des comptes européennes invite à bien mesurer les dommages collatéraux

Publié le 21 septembre 2023par Frédéric Fortin, MCM Presse pour Localtis
Développement économique, Energie, Europe et international

La Cour des comptes européenne estime que le rythme annuel de déploiement des énergies marines renouvelables devra s’accélérer « nettement » pour atteindre les objectifs ambitieux que se sont fixés l’Union européenne et certains États membres. Dans le même temps, elle déplore le manque d’études approfondies sur les implications socio-économiques et environnementales de ce déploiement.

éoliennes en mer

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Dans un rapport(Lien sortant, nouvelle fenêtre) rendu public ce 18 septembre analysant la stratégie de soutien au développement des énergies marines renouvelables (EMR) adoptée par la Commission en 2020, la Cour des comptes européenne souffle le chaud et le froid. 

Des objectifs ambitieux…

Sur le plan quantitatif, la Cour juge particulièrement ambitieux les objectifs de développement des EMR fixés par la Commission européenne – 61 GW de capacité installée d’ici 2030 (60GW pour l’éolien en mer et 1GW pour l’énergie océanique) et 340 GW d’ici 2050 (respectivement 300 et 40 GW) –, qui « pourraient être difficiles à atteindre ». Cela suppose donc « d’accélérer nettement le rythme annuel de déploiement », jusqu’ici principalement porté par l’Allemagne (8,1 GW en 2022), avec les Pays-Bas (3,2), le Danemark (2,3) et la Belgique (2,2), la France restant en retrait (0,48). La Cour relève que si cette dernière a défini sa stratégie en 2009, « le premier parc éolien commercial (à Saint-Nazaire) n’est pleinement opérationnel que depuis novembre 2022 ». 

D’importants moyens ont pourtant été développés au niveau européen depuis près de 40 ans, rappelle la Cour, recensant 2,3 milliards d’euros entre 2007 et 2022 sur le budget de l’UE et 14,4 milliards d’euros de prêts et d’investissements en fonds propres de la Banque européenne d’investissement depuis 2007. S’agissant du seul éolien en mer, la Cour relève néanmoins que si les capacités visées par l’Allemagne (30 GW), les Pays-Bas (21), la France (entre 5,5 et 6,2) et l’Espagne (entre 1 et 3) – les quatre États membres étudiés par le rapport – étaient atteintes en 2030, 95% de l’objectif de l’Union le seraient également. 

… mais de nombreux obstacles…

Pour la Cour, le déploiement de ces énergies supposera notamment de résoudre les conflits, pour l’heure « sans issue », avec le secteur de la pêche. Singulièrement en France et en Espagne, « où la consultation sur les futures zones affectées aux EMR n’a pas encore dissipé les inquiétudes des pêcheurs » et où « l’opposition aux EMR pourrait réapparaître à mesure que les différents projets seront évalués ». D’une manière plus large, la Cour insiste sur la nécessaire acceptation sociale des EMR, particulièrement en France où « le développement des parcs éoliens en mer a été retardé par des protestations, principalement élevées par des résidents, des pêcheurs et des ONG actives sans le secteur de l’environnement ». Et d’observer que « pour les six premiers projets d’EMR approuvés, les tribunaux français ont traité 50 affaires de contentieux ».

Autre difficulté pointée par la Cour, l’inadaptation des procédures d’octroi de permis, en visant encore particulièrement Paris. « La France a parmi les plus longs délais d’approbation des installations éoliennes en mer en Europe – jusqu’à 11 ans » et « n’a pas encore mis en place de ‘‘guichet unique’’ », pointe la Cour. S’ajoutent encore le risque lié à l’approvisionnement en matières premières, celles-ci étant actuellement « presque entièrement fournies par la Chine », et le besoin d’une main d’œuvre qualifiée tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

… et la nécessité de mieux cerner les dommages collatéraux

En l’espèce, le bât blesse déjà. « En 2021, 30% des entreprises du secteur des EMR étaient confrontées à une pénurie de personnel qualifié », relève la Cour. En parallèle, elle alerte d’une part sur « le risque de perte d’emplois dans le secteur de la pêche » et d’autre part sur « le peu d’offres de reconversion professionnelle ». Sur ces points, elle déplore que les implications sociales du développement des EMR – « majeures sur les plans de l’emploi, des infrastructures et des services » – n’aient pas « encore été pleinement prises en compte […]. À notre connaissance, la Commission n’a encore jamais quantifié les principaux effets économiques qu’aurait le développement des EMR sur la pêche ».

Autre défi qui reste à relever, « l’évaluation des effets cumulatifs sur le milieu marin, qui découlent à la fois du développement du développement des EMR et de leurs interactions avec les autres activités humaines en mer » et qui « peuvent se traduire par le déplacement d’espèces, des changements dans la structure de populations, une évolution des aliments disponibles ou une modification des schémas de migration ». La Cour considère là encore que « l’empreinte environnementale sur la vie marine pourrait être considérable et n’a pas été suffisamment prise en compte par la Commission et les États membres ». Et de prendre l’exemple du parc éolien en mer de Saint-Brieuc, « source d’inquiétudes pour l’environnement », relevant qu’il se situe à proximité immédiate de sept zones Natura 2000, que 59 dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées ont été accordées pour permettre sa construction alors que le Conseil national français de la protection de la nature avait rendu un avis « affirmant que la protection de la biodiversité n’avait pas été suffisamment prise en compte ».

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